mardi 31 mai 2016

PLEINAIRISME BARDOIS

L'idée de peindre "sur le motif" à Bard, née lors du vernissage en discutant avec M. le Maire de Bard et M. Marchiset se concrétise Dimanche 5 juin.

Nous serons tributaires du temps (cela va en s'arrangeant, mais à partir de quel jour ? la grenouille hésite encore ...). Bien sûr en cas de pluie soutenue la journée est annulée.
Mais soyons optimistes.

Le programme :
RV à 10h parking vers l'église.
Peinture (toutes techniques) sur le point de vue de votre choix.
Apéritif offert par la Mairie à 12h30
Repas tiré du sac
Chacun reprend ensuite à son rythme et plie le matériel quand il juge son travail terminé.

Une exposition des travaux réalisés ce jour sera programmée à la Mairie de Bard en septembre-octobre (à définir).
Attention : Le 5 juin il ne s'agit ni d'exposer ni de vendre. C'est (simplement!) une rencontre conviviale ouverte à tous de peintres pleinairistes indépendants ou d'associations différentes.
Si la journée était productive et sympathique pourquoi ne pas la renouveler l'an prochain, ailleurs ?





samedi 28 mai 2016

UN AMOUREUX DES MATHS SÉDUIT PAR LA PEINTURE


 André Tissot, les pingouins

Quatre pingouins, cahin-caha tournent brusquement la tête.
Et Vous regardent. Ils sont là pour la photo !
Papa en costard noir queue de pingouin file devant sans rien remarquer.
Il a mis son bel uniforme de maître penseur en mathématiques appliquées.
 
Il compte ses pas ou ses petits et la circonférence du carré de plage qui lui est réservé.
Il médite sur le temps et le carré de la racine.
Comment l’extraire du sol tout à l’heure sur la terre gelée. 




Voyons ! Extraire une racine carrée, rien de plus facile!
Au fait : Où est maman pingouin ?
Là-bas, sur la banquise au bord de l’eau, elle s’agite !
Vite allons la rejoindre ! 





André Tissot, scène du Moyen Âge

«  Gente dame »  dit le  chevalier d’un air penché à la châtelaine
 - Pour vous je frissonne et tremble, je vous aime de si bon amour
Je n’ai croisé jamais de si belle, en la terre du seigneur Adam
Plus blanche qu’ivoire, je n’adorerai que vous.


Et si ma bonne dame ne m’aime, je mourrai c’est certain.
Si vous ne m’accordez  un baiser,
Un seul baiser de vous ma mie, en chambre ou sous cet arbre,
Et de toute ma vie, je n’adorerai que vous ».
 

En ce beau pays de Forez, la Belle Héloïse s'ennuie en son château de Mon Bréson.
André avec un pinceau fin a habillé la dame.
On ne voit qu’elle avec sa longue robe fleurie au premier plan de la scène.  
Touche après touche, il a choisi les couleurs, orange et jaune mêlés.
L’a coiffée d’un haut hennin au voile transparent.
Elle est superbe et très attentive dame Héloïse.
Le Comte de Forez, son époux, on l’aperçoit à l’arrière plan sur  son cheval,
Se plait en forces chasses, tant de jours que de nuits,
Délaissant la Belle en sa demeure. Ennui.
 


Venant d'un proche Castel, le très beau, et très galant Guillem, trouvère de son état,
Charme la Belle par une cour assidue. Il lui glisse à l’oreille qu'elle est la plus belle.
Que c’est le plus beau jour de sa vie, que son corps est blanc comme Lys,
Que le bleu de ses Yeux est semblable à l'eau pure d'un lac de montagne.
Arrivé avant les autres, il dit tant et tant de jolies choses.
Si vous tendez l’oreille, la musique du menuet, les voix d’autrefois en langue occitane.
Que voici une histoire d'amour comme d’aucune voudrait en avoir connue.


André a composé et organisé à sa manière cette peinture enluminure.    
Scène d’amour courtois avec le ménestrel, le chevalier et sa dame
Il y a le comte son époux et ses hommes devant le château peint pierre à pierre,
Une dame chasseresse en bleu azuré montée sur destrier.
Son nom m’a échappé.




André pose chaque touche, avec d’infinies précautions.
Assis, un air penché, très concentré.
Une précision toute mathématique comme une notation musicale.
Rien ne saurait le  distraire, silence, absorption, sérieux et grande précision.
Tiens, on dirait une annotation pour livret scolaire bon élève !
L’humour viendra après. André se lâchera, exubérant à la pause.
Tiendra son public en haleine.
Il vous expliquera pour la énième fois comment extraire une racine carrée,
Et vous ne comprendrez pas, mais vous serez admiratifs.
Patient il vous expliquera une nouvelle fois.
Il est une fois un amoureux des Maths séduit par la Peinture.

Bien sûr,  Héloïse et Guilhem devinrent amants. 



Mais, pour la suite de l’histoire les auteurs ne sont pas d’accord.
Une servante affirme qu’Héloïse se lassa et que le chevalier repartit vers d’autres amours.
A moins que ce ne soit l’inverse. D’autres disent que le Comte partit pour la croisade et ne revint jamais.

La véritable histoire, êtes- vous bien sûrs de vouloir la connaître?
Je ne vous le conseille pas ! Arrêtez plutôt là votre lecture!

Le Comte est négligent mais fort jaloux. Les amants s’aiment tant, il ne peut supporter.
Un beau soir que le trouvère quitte Héloïse, les gens d'armes du Comte le saisissent, l'égorgent sur ordre du mari trompé. Cela peut suffire à une vengeance, mais le Comte fait arracher le cœur du Trouvère, le fait préparer en cuisine, avec des épices et le fait manger par sa belle épousée. Il lui révèle alors qu'il s'agit du cœur de Guillem, lui demande comment elle l'a trouvé ? Héloïse, pleine d'un Amour immense rétorque qu'elle n'a jamais dégusté de mets plus délicat et que de sa vie elle n'en savourera pas d'autre. Alors la Belle se lève, grimpe sur la plus haute tour de son château de Mon Bréson et se jette dans le vide en direction des fossés où le corps sanglant de son Amant l'attend...

 La finale est d’après….. les plus belles histoires du Roussillon, la légende du cœur mangé (Guillem de Cabestany)

 Marie-Pierre Bayle  le 22 Mai 2016

dimanche 22 mai 2016

UNE HISTOIRE DÉLICATE

Là-haut sur les monts du Forez, le temps fait une pause.
C’est l’hiver. La neige est là depuis trois jours.
Le temps est clair, un peu de  lumière filtre à travers les branches nues des frênes.


« Gumières sous la neige »  aquarelle de Michel Vallorgues.

Plantés au bord du champ trois piquets se parlent à distance,
Etablis de guingois sur leurs barbelés, un peu penchés.
Celui de gauche a de la neige dans les plis de son manteau.
Le second une coiffure à la punk et les pieds gelés, tout glacés.
Quant au troisième un peu timide et plus fragile, il se tient à distance.
Un échange de voisinage s’instaure. 
Pèlerins immobiles, ils conversent au gré des vents.
Il est fortement question de sentiments au premier plan.
Un chant d’amour pour séduire la belle au manteau de neige.
Comment diminuer encore la distance entre elle et lui ?
Le piquet punk ne manque pas d’imagination,
Sur la partition  du regard les crochets des barbelés sont des notes de musique.
Laissons –les à leur romance inachevée.


Michel s’est remis à peindre, à l’aquarelle, il excelle.
Rendre la neige, son domaine de prédilection. Dire le plus avec le moins.
Avant de parler,  Michel met une pause, réserve un temps d’écoute.
Un retrait avant la parole pour que les mots prennent du poids.
Il  se concentre et observe, pose avec minutie quelques taches.
La surface blanche s’anime. La neige vient de tomber sur le blanc du papier.
Avant il n’y avait rien. Maintenant il a neigé.
Effet maximum pour peinture minimum.
Neige, lumière et relief. Des heures d’observation, une passion, une sensibilité!


L’œil s’évade maintenant vers la colline, dans le vallon, des traces,
Des empreintes où la neige a fondu.
Le passage du sauvage dans le pré, dans le creux d’une narse.
La nuit dernière un chevreuil est passé en force, il a bousculé l’équilibre du piquet de droite.
Il reste un peu penché, traumatisé, les fils tout détendus.
Il n’en peut plus, c’est toujours là que les bêtes passent.
Plus loin, le bouquet des frênes en triangle, d’un brun à peine plus clair que les piquets. 
Les trois frênes dépouillés mêlent leurs branches nues,
C’est en hiver, que le dialogue est possible.
Un concerto en ut majeur quand le vent se fâche. 
  

Allegro modérato dans la brise légère.
Blanc du papier et couleurs bois.
Que l’on soit flûte ou bien haut bois. Haut bois foncé ou haut bois clair.
Le vent est immobile. Arrivent à l’oreille des notes boisées,
Une histoire délicate en ocre jaune lumineux. 
Lente méditation,  le temps s’efface et le soir brille. 
 
Marie Pierre Bayle   le 9 Mai 2016

 

dimanche 15 mai 2016

UNE BATAILLE DE L'ŒIL



                                      Christiane Chevaleyre dans l'atelier des Tupins

Christiane est dans le mouvement, elle peint debout.
Avec son couteau à peindre et son grand tablier, elle fait face.
Les gestes sont amples et la coiffure déstructurée.
Elle étale en larges touches rouges, rouges sombres, sanguines, écarlates.


Il y a du sentiment, des émotions fortes à fleur de cœur.
Avec chaleur, tout en peignant, elle partage échanges et réparties.
Exubérante et sage, elle prend tout à bras le corps.
Elle insiste, recouvre la toile d’une pâte épaisse, malaxe au couteau.  
Les bruns, les verts foncés en grands aplats variés.


Une peinture du sud aux couleurs acidulées, des îles chaudes tropicales
A la Gauguin, lie de vin, farouche  et tourmentée.
Elle charge sa palette, travaille la couleur sans recul, collée à la toile.
A travers la fureur des contrastes, le combat continu.
Le navigateur solitaire au centre du tableau amorce un virage dangereux. 


Comme un cri retenu, retrouver un pays, des enfants, des amis.
Voyager. Relier deux mondes et mettre au monde  
Un Pays éternel, un lieu de Nulle part,
Éblouissant de joie, palpitant et sauvage, à la fureur contenue.
Une bataille de l’œil, pour raconter l’irracontable, des drames et des douleurs.


Et puis
Christiane sort le jaune éclatant, met de la joie par-dessus tout çà.
Cà éclabousse ! En rire et en éclat de  matière colorées triomphante.
Des rencontres éblouissantes, osées, des citrons violacés, des verts, 


Des noirs foncés - Beaucoup de rouge.
Une dramaturgie intime qui bouscule le regard, oblige à s’arrêter, à s’interroger.
Là-bas un bout de ciel en triangle turquoise, tombe dans l’eau comme une épée
Un lagon des tropiques à explorer sans se soucier.
La pirogue lancée dans les flots continue sa course fait fi des dangers. 


Elle reste pourtant là sagement dans le cadre, à naviguer longtemps.
La bagarre des couleurs est achevée et  le monde encore à explorer.
Le peintre s’acharne va au bout de son rêve, démultiplie des formes.
Pour chacun d’entre nous
Toujours recommencer, indéfiniment
La même toile.

                       Marie Pierre Bayle   1er Mai 2016

lundi 9 mai 2016

SE DONNER LE TEMPS DE RÊVER



  Jean-Claude Vernay, aquarelle, avril 2016.


 Sur la palette Jean Claude a choisi ses couleurs :
Jaune lumière pour l’impression du fond,
Vert printemps pour les feuilles exposées à la clarté
Vert bleu plus foncé pour les feuilles restées dans l’ombre.
Le peintre plante la vigne pied à pied.
Grand amateur, il fait pousser chaque rangée,
Pied après pied l’esprit tout absorbé.
Des notes marron bois et d’autres vert feuillé.


 

La conscience en paix, poser et reposer
L’une après l’autre en  touches brun foncé
Les plants de vigne, en rangées, toutes alignées,
En courbes douces ou resserrées,
Devant château millésimé, « grand cru de bordeaux » apparenté. 


Recommencer à peindre,
Ne rien oublier, ajouter les rosiers, tous en fleur de rosée.
Sinon la récolte ne sera pas bonne.

Le tableau raté, non-conforme à la réalité.
Réinventer, une nécessité, même avec un modèle bien détaillé.

Le château regarde de toutes ses fenêtres.
Le châtelain, caché derrière observe de loin. Il a évalué la récolte. 

 

Son regard se perd dans le labyrinthe de la plantation.
Irrésistiblement attiré par l’arène centrale.
Blanc tout simplement, l’espace des vendanges futures,
Là où les hommes poseront la hotte et les caisses de raisins.
Il a eu raison de laisser cet espace vacant.
 
 C’est lui qui  éclaire toute la toile.
Son regard s’attarde, embrasse une fois encore l’ensemble du vignoble,
Se laisse prendre  par le rythme des rangées.
Un agacement salutaire, une hallucination du regard
Tout simplement se donner le temps de rêver.

           
  Marie Pierre Bayle  30 Avril 2016

lundi 2 mai 2016

« OBJETS INANIMÉS AVEZ-VOUS DONC UNE ÂME »


Sylvaine Leroy, peinture à l'huile.

Pêle-mêle, un bric à brac, chaleureux, animé.
Sur fond brun foncé, très contrasté,  rideau blanc sur étagère cinq rayons.
Une fourrure et deux yeux dans la boîte rouge sur l’étagère du haut.
Une figurine en argile grise et un poids de 500g en laiton jaune.
Brillant. Une boîte pour les ranger. De très vieux livres sur le côté, parcheminés.
Une toupie, coin nostalgie, tissus pliées et empilés, pelote, aiguille à tricoter. 
Un grand flacon et des bobines colorées.
Un grand ruban bleu tombe du haut et s’agitent les choses.
Il y a  trop à voir.

L’œil s’exaspère à vouloir les nommer, il ne peut s’en empêcher.
Des perles, des crayons et des bobines encore
Un coin atelier, la couturière est passée par là!
Au fond, une figure bouddha lointaine, en ombre grisée.
Une fourrure, deux yeux s’agitent dans l’ombre rouge de la boîte du haut.
Qu’ont-ils vu ? Qu’y a-t-il à voir ?
Il y a trop à voir.

Formes et silhouettes éclatent en jaune et nuances d’ocre éclatant.
Ruban bleu pétant. Objets hétéroclites, un stylo c’est sûr, beaucoup de crayons,
Autre figure, un rideau encore, suspendu blanc laiteux à droite.
« Objets inanimés avez-vous donc une âme » !
La peinture étagère de Sylvaine cache une énigme.
Quelqu’un en arrière plan est là, à demi masqué par les pots. 

Sur l’étagère du bas une forme gris souris reste dans l’ombre.



 Le regard aux longs poils en haut s’anime,
Animus-anima, âme vive de ce tableau,  Es-tu là ?
Qui guette la rencontre ?
Un chassé croisé s’instaure. Qui verra l’autre!
Je t’ai vu, je te vois. Non rien ne bouge !.
Ils ne se verront pas. Un trouble s’installe pour celui qui regarde.
Il y a trop à voir.

Je détourne les yeux, ils se perdent à nouveau dans le fouillis des choses.
Reconnaître l’objet, le nommer encore, pour être sûre.
Comprendre. Chercher encore.  

Libre dans les rayons du bas et la forme des choses.

Exaspération. Tirer le rideau.
Quitter le tableau. Une valse, un vertige.
Je cherche à nouveau. Besoin de me mettre en quête de ce regard-là.
L’œil qui me voit derrière le trop plein des choses !



 Marie Pierre Bayle  25 Avril 2016