De loin, dans une grande salle du MAM de Paris, on peut penser à un vernissage en préparation. En approchant, la munificence des mets présentés écarte cette supposition ; la plupart des vernissages "régalent" de chips et cacahuètes salées, sans parler du redoutable kir...
Un cartel, près de la table circulaire, révèle l'œuvre d'art :
Gilles Barbier - Né en 1965
"Le Festin II" - 2014 - Peinture à l'huile sur résine synthétique, ustensiles de cuisine, table ..."
On tourne autour de la table, dans le sens des entrées, caviar à la louche, fruits de mer, petits toasts amuse-gueules (pardon, amuse-bouches ! ),
on passe aux choses sérieuses avec une pyramide de viandes,
"bonne continuation" avec une fondue savoyarde,
on se régale enfin de la "la farandole" des desserts, entremets, fontaine de chocolat, sorbets ...
Et comme la table est ronde on recommence jusqu'à "s'en faire péter la sous-ventrière" (pardon, jusqu'à satiété ! ).
L'œuvre est dérangeante, pourtant, avec des matériaux et une démarche contemporaine, elle s'inscrit parfaitement dans une tradition (déjà elle utilise la peinture à l'huile).
L'anversois Frans Snyders, s'était fait une spécialité très appréciée de ces accumulations de victuailles, de ces promesses de festins plantureux. Richesse des Flandres au XVII° siècle.
Son compatriote, Joachim Beuckelaer, au XVI° siècle, ajoute , curieusement, au fond, un passage de l'évangile, ici Jésus en visite chez Marthe et Marie,
Le crémonais Vincenzo Campi, au XVI° siècle, nous repaît les yeux de fruits et légumes.
On est loin de l'austérité janséniste de ce chef-d'œuvre de Lubin Baugin, "le dessert de gaufrettes", du Louvre.
Le pop art trouve sur les gondoles des supermarchés un sujet à son goût.
Errò, paysage alimentaire, 1964, 2m sur 3m.
Ici, pas de dénonciation, de messages, d'avertissement, de moralisme, de bien-pensance. C'est le trésor d'Ali Baba du gourmet, du gourmand, du glouton, du goinfre . À déguster sans modération (avec les yeux).
* Tant que vous serez heureux, vous aurez beaucoup d'amis.