Christiane est ronde, douce, en parole,
en empathie, maternelle et enveloppante.
Sa peinture taillée au couteau, en
angle droit, verticale et austère.
Les formes/couleurs font la Peinture.
L'œil-esprit est content quand il trouve sens et ressemblance, quand
il peut nommer. Donner un titre, c'est rassurer. Le spectateur
satisfait est alors accueilli en territoire connu et nommé:
« Ville ».
Villes verticales, comme tendues vers
un horizon improbable. Une peinture efficace, sans artifice.
Seulement une avenue, vaste, tendue vers un horizon sans cesse
repoussé.Toujours la même ville qui se continue à l'infini. Villes
sans ou après les hommes, vide d'habitants.
Façades sombres, rectilignes, des
couleurs très travaillées, des tons rompus, vigoureux, posés en
larges aplats. Villes en tranches et tranches de villes découpées
au couteau, aux teintes mêlées, longuement cuisinées sur la
palette.
C'est dans ce territoire caché de la
peinture de Christiane que je me suis aventurée. J'ai contourné les
cubes et les rectangles bruns aux teintes sombres.
Villes imaginaires ou antiques
cités,disparues, villes d'Apocalypse. Des villes inhabitables, des
termitières géantes où l'humain n'apparaît plus. L'humain trop
petit pour être vu, replié à l'intérieur comme dans un cocon,
dans une cachette, une prison dorée, moderne, matérielle avec tout
le confort.
C'est dans ce monde intérieur de la peinture que je suis
allée flâner, sous les dômes de verre, tout en rondeur comme des
seins de mère nourricière, une opulente poitrine de dômes blancs
sous lesquels la vie est possible, sous lesquels, la vie respire.
Cultures vivrières et fontaine de lait. Dehors c'est pollué. Sous
la Mère seulement, la vie est possible, à l'abri.
Les « Saintes Maries » au
coucher du soleil
La peinture de Christiane prend ici
une dimension d'art sacré. Christiane, Marie, de son deuxième
prénom réalise une peinture semi abstraite qui ressuscite le passé
mythique et religieux de la Provence. Les éléments symboliques en
croix superbement suggérés par de grandes verticales nous invitent
à voyager dans l'Histoire Sainte.
Un groupe de chrétiens chassés de
Palestine au premier siècle débarque en Camargue.
Il y a Marie Madeleine et sa sœur
Marthe avec Lazare, le frère ressuscité, Marie Jacobée, et Marie
Salomé demi sœur de Marie, mère de Jésus et mère elle-même de
Saint Jacques de Compostelle. A leur arrivée sur place, ils furent
accueillis par Sarah la Noire qui devint servante des trois Maries.
Marie Madeleine ira jusqu'au massif de
la Sainte Beaume et Marthe à Tarascon où elle terrasse un dragon,
la célèbre tarasque. Les deux Maries et Sarah furent ensevelies sur
place.
La commune des Saintes Maries est la
troisième commune la plus étendue de notre métropole après Arles.
Elle était enserrée autrefois dans une enceinte de ruelles étroites
avec les grands espaces de marais tout autour.
Pays de terres et d'eaux mêlées, de
soleil, de grands espaces et de vent,
Christiane fait se côtoyer librement
les couleurs, comme les émotions.
Mes souvenirs affluent:
Chevauchées fesses serrées au galop
dans les marais, avec l'air et le vent
Qui fouettent la peau et font se
soulever la poussière et la crinière des chevaux.
Lumière et sentiment de liberté.
La chaleur partout et le goût du sel.
Peintures : (huile) - Christiane CHEVALEYRE
Texte : Marie-Pierre BAYLE