On ne commande pas aux souvenirs. Ils arrivent à notre insu par une image, un objet que l’on retrouve ou encore mieux une peinture.
Michelle affectionne l’aquarelle. Elle les réalise d’après ses propres photos. Des croquis rehaussés de couleurs au lavis. Ils m’attirent et les souvenirs affluent.
C’est en regardant Michelle peindre son « Nu sur la plage » à notre local des Tupins que le déclic s’est produit.
En furetant dans la grande brocante de l’armoire aux souvenirs je l’ai retrouvé. « Nu sur la plage » un croquis qui m’a évoqué les toutes premières esquisses réalisées par Matisse pour son tableau « Luxe, calme et volupté »
Dans les années 30 quand on vient de Russie et que l’on a vingt ans être modèle dans un atelier d’artiste à Paris est une façon tout à fait honorable et chanceuse de gagner sa vie.
C’est ainsi que Lydia, ma grand-mère a fait connaissance de Nice et de la Provence. Elle a été embauchée comme aide d'atelier dans la maison d'Henri Matisse pour un remplacement de plusieurs mois. Les confidences d’une grand-mère à sa petite fille sont trésors précieux dont l’imaginaire se nourrit pour longtemps. Je l’entends encore me raconter son histoire, à mi voix, peu de temps avant sa mort en 1998. Ce qui me reste de ce moment c’est son sourire ébloui et cette larme au coin des yeux.
« Là-bas, dans le sud, quelque part en Provence,
L’atelier du peintre ouvrait sur la campagne.
Lydia était assise dans le grand canapé vert.
Matisse, avant de s’allonger près d’elle,
Avait ouvert la fenêtre donnant sur le jardin.
La lumière dorée l’avait éblouie un instant.
Il avait doucement tiré le grand rideau bleu.
Michelle affectionne l’aquarelle. Elle les réalise d’après ses propres photos. Des croquis rehaussés de couleurs au lavis. Ils m’attirent et les souvenirs affluent.
C’est en regardant Michelle peindre son « Nu sur la plage » à notre local des Tupins que le déclic s’est produit.
En furetant dans la grande brocante de l’armoire aux souvenirs je l’ai retrouvé. « Nu sur la plage » un croquis qui m’a évoqué les toutes premières esquisses réalisées par Matisse pour son tableau « Luxe, calme et volupté »
Dans les années 30 quand on vient de Russie et que l’on a vingt ans être modèle dans un atelier d’artiste à Paris est une façon tout à fait honorable et chanceuse de gagner sa vie.
C’est ainsi que Lydia, ma grand-mère a fait connaissance de Nice et de la Provence. Elle a été embauchée comme aide d'atelier dans la maison d'Henri Matisse pour un remplacement de plusieurs mois. Les confidences d’une grand-mère à sa petite fille sont trésors précieux dont l’imaginaire se nourrit pour longtemps. Je l’entends encore me raconter son histoire, à mi voix, peu de temps avant sa mort en 1998. Ce qui me reste de ce moment c’est son sourire ébloui et cette larme au coin des yeux.
« Là-bas, dans le sud, quelque part en Provence,
L’atelier du peintre ouvrait sur la campagne.
Lydia était assise dans le grand canapé vert.
Matisse, avant de s’allonger près d’elle,
Avait ouvert la fenêtre donnant sur le jardin.
La lumière dorée l’avait éblouie un instant.
Il avait doucement tiré le grand rideau bleu.
Madame était partie de la maison pour quelques jours.
-Intimité-
Il lui avait fait l’amour tendrement.
Elle s’était laissé faire,
Histoire de passer les heures chaudes de la sieste en douceur,
Langueur méridionale, lenteur des heures perdues.
Après midi ordinaire.
Il avait fait le café, noir, bien corsé.
L’avait laissé tiédir,
Avait posé sa tasse près du chevalet.
Elle avait pris la pause,
Ouvert le dernier roman, d’un certain Boris Vian.
Elle avait fait semblant de lire.
Pour tout d’ailleurs, elle faisait semblant.
Luxe, lumière…, rien de plus…
Son esprit partait ailleurs.
Bientôt, elle retrouverait la vie parisienne,
Ses anciens amis, elle rêvait d’un nouvel amant.
Il lui tardait maintenant de quitter la pause.
-Intimité-
Il lui avait fait l’amour tendrement.
Elle s’était laissé faire,
Histoire de passer les heures chaudes de la sieste en douceur,
Langueur méridionale, lenteur des heures perdues.
Après midi ordinaire.
Il avait fait le café, noir, bien corsé.
L’avait laissé tiédir,
Avait posé sa tasse près du chevalet.
Elle avait pris la pause,
Ouvert le dernier roman, d’un certain Boris Vian.
Elle avait fait semblant de lire.
Pour tout d’ailleurs, elle faisait semblant.
Luxe, lumière…, rien de plus…
Son esprit partait ailleurs.
Bientôt, elle retrouverait la vie parisienne,
Ses anciens amis, elle rêvait d’un nouvel amant.
Il lui tardait maintenant de quitter la pause.
Elle n’avait plus la patience, s’agaçait pour un rien.
Le grand atelier trop encombré, trop vieux.
Poussière et tapis persan, à vingt ans, elle en avait soupé.
Sur le coin de la table,
Dans son vase doré,
La fleur de pivoine baissait la tête ».
Ce que ma grand-mère ne savait pas ce jour-là c’est qu’elle deviendrait la collaboratrice d’ Henri Matisse. Lorsque sa femme le quitte en 1939, le peintre rappelle Lydia Délectorskaya. Elle lui est indispensable, c’est elle qui organise ses différents déménagements et lui apporte une assistance quotidienne, lorsque sa santé et son état physique se détériorent. Elle l'aide également à continuer à créer.
Le dernier dessin de Matisse est pour Lydia Délectorskaya le 1er novembre 1954. Il meurt deux jours plus tard.
Le grand atelier trop encombré, trop vieux.
Poussière et tapis persan, à vingt ans, elle en avait soupé.
Sur le coin de la table,
Dans son vase doré,
La fleur de pivoine baissait la tête ».
Ce que ma grand-mère ne savait pas ce jour-là c’est qu’elle deviendrait la collaboratrice d’ Henri Matisse. Lorsque sa femme le quitte en 1939, le peintre rappelle Lydia Délectorskaya. Elle lui est indispensable, c’est elle qui organise ses différents déménagements et lui apporte une assistance quotidienne, lorsque sa santé et son état physique se détériorent. Elle l'aide également à continuer à créer.
Le dernier dessin de Matisse est pour Lydia Délectorskaya le 1er novembre 1954. Il meurt deux jours plus tard.
Aquarelle Michelle PALLAY - Texte Jean VALETTE
Soliloque d’un modèle
… une heure déjà qu’il est sorti en claquant la porte - mais bon, il n’est pas pingre, il me payera le temps passé - c’est la première fois qu’il se met en colère parce qu’il échoue - Il a failli percer la toile en la grattant rageusement au couteau - lui si correct d’habitude - il m’a jeté un - et toi tu bouges pas - avant de partir - faudra pas qu’il recommence à me rudoyer ainsi - fini le temps de la petite repasseuse qui baissait les yeux devant les clientes hargneuses
soupir de dépit
j’en ai fait du chemin depuis l’époque de la blanchisserie - un jour comme les autres un client est entré avec une pile de chemises à nettoyer - du beau linge - en baptiste de lin - délicat à repasser mais tellement chic pour un homme - j’avais bien remarqué ses regards - les femmes ont un sixième sens pour ce genre de choses - il revenait souvent, apportant ses chemises pièce après pièce pour se donner l’occasion de m’entrevoir timidement du coin de l’œil - ton amoureux - se moquaient les copines - un soir il m’attendait, un bouquet de violettes en cadeau et voilà c’est aussi simple quand on a de beaux yeux - j’ai eu de la chance - j’en conviens - mon amoureux - mon timide peintre - ne mangeait pas de vache enragée - un fils de famille qui recevait une mensualité d’un oncle de province
petit rire satisfait
c’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier - dans son atelier venait tout un lot de pique-assiette qui peinaient à finir le mois, mais aussi des critiques d’art et de bons peintres - en observant des modèles professionnelles sans élégance j’ai eu l’idée de poser pour lui - un peu par jalousie au début - les modèles ne sont pas farouches et les hommes sont les hommes
petit rire entendu
aujourd’hui je suis un modèle recherchée par les meilleurs peintres - je m’en suis donné du mal - faire mon miel des conversations d’artistes - musiciens - peintres - poètes - copier les élégances des femmes du monde - plus souvent du demi-monde - il faudra que je change de nom - Colette c’est gentil mais province - mon surnom de modèle Coco c’est plus chic - j’aimerais Oriane depuis que j’ai lu en feuilletant un livre à la mode cette phrase qui m’obsède - Oriane s’assura du scintillement de ses yeux non moins que de ses autres bijoux - rencontrer un homme aisé - distingué - qui m’établira dans un petit hôtel particulier quartier de la Nouvelle Athènes - avoir mon jour de réception pour les artistes - me lever tard - choisir de belles toilettes - paresser - avoir chaud en hiver et un grand lévrier espagnol
Soupir d’aise
ce soir j’ai rendez-vous avec les copines - les anciennes copines de la blanchisserie - on a de moins en moins de choses à partager - sans être jalouses elle me regardent avec envie - il faudra que je change de tenue - j’en garde une - d’avant - pour ne pas les gêner - mais c’est pire - je ne sais pas quoi faire - le temps passe …