Quand je suis rentré d’Algérie j’avais dix huit ans raconte Bernard, c’était en 62. Le bateau sur lequel toute la famille a embarqué faisait son dernier voyage, il allait ensuite partir à la ferraille et le capitaine, lui, partait à la retraite. La fin d’un monde. La fin d’une époque.
Tu disais adieu à ton enfance, ta jeunesse, ton insouciance. Rentrer au pays. De Gaulle venait de donner son indépendance à l’Algérie et toi tu tenais une valise remplie en vrac par des parents trop pressés de sauver ce qui pouvait l’être. Une maison vidée de ses habitants, la plaine infinie déserte par la grande fenêtre. Quitter un pays, comme un livre sans écriture. « Venez au moins manger un couscous avant de partir » la femme qui vous invite fait à manger à même le sol en terre battue sur son canoun. L’odeur d’harissa et d’épices vient emplir le cœur et les narines. Sur son petit réchaud, toujours le thé brûlant, hyper sucré avec menthe nana. Tu as vu les yeux soulignés de khôl de Yasmina la jeune voisine en secret amoureuse de toi. La tristesse dans ses yeux quand vous vous êtes quittés. Ce sourire triste, dernier souvenir des années de jeunesse dans les terres du sud, tu l’as mis dans tes peintures.
Retrouver l’Afrique du nord, tu y penses depuis des années, mais tu hésites. Risquer de retrouver les souvenirs d’une enfance particulièrement heureuse. Risquer d’être déçu du rêve presque idyllique que tu t’es construit.
Avec ta compagne, il y a quatre ans tu as fini par prendre un billet d’avion pour Casablanca. L’odeur de l’océan et les eucalyptus partout présent. Des voitures, des mobylettes partout et plus aucun bourricot. Tu traverses la Kasbah, les burnous, les djellabas, le muézine et ses appels à la prière, les rues bruyantes, les odeurs d’épices qui sortent des portes ouvertes, les couscous, les tagines qui mijotent sur le feu dans les arrière-cuisines. A travers le dédale des ruelles tu te diriges vers le poste de police là où ton père officiait avec le logement attenant. On t’accueille les bras ouverts à la manière chaleureuse des gens du sud. « Tu es un des nôtres ». On te fait visiter les lieux, des bribes te reviennent de ton passé d’enfant, français à l’étranger. Discrètement on te demande tes papiers d’identité, c’est normal pour retrouver ton père. À la recherche de ta jeunesse et à la recherche de la vie de ce père que tu admirais tant.
Cette année-là, ton père venait d’être nommé en fonction au Maroc.
Tu te souviens d’une arrivée à Casablanca, lorsque tu étais enfant. Il n’y avait pas de port à l’époque, ton père a du prendre ta mère dans ses bras pour débarquer, il avait de l’eau jusqu’aux genoux et toi tu regardais étonné de la scène.
A l’époque le Maroc était un protectorat français. Né d’une famille auvergnate montée à Paris, ton père servait l’état français dans la police pour des missions longues. Au Maroc, il rencontre ta mère d’origine sicilienne. Toi, tu es né à Casablanca. Ton enfance à Yousoufia : Louis-Gentil un douar dans la banlieue.
Avec ta compagne, il y a quatre ans tu as fini par prendre un billet d’avion pour Casablanca. L’odeur de l’océan et les eucalyptus partout présent. Des voitures, des mobylettes partout et plus aucun bourricot. Tu traverses la Kasbah, les burnous, les djellabas, le muézine et ses appels à la prière, les rues bruyantes, les odeurs d’épices qui sortent des portes ouvertes, les couscous, les tagines qui mijotent sur le feu dans les arrière-cuisines. A travers le dédale des ruelles tu te diriges vers le poste de police là où ton père officiait avec le logement attenant. On t’accueille les bras ouverts à la manière chaleureuse des gens du sud. « Tu es un des nôtres ». On te fait visiter les lieux, des bribes te reviennent de ton passé d’enfant, français à l’étranger. Discrètement on te demande tes papiers d’identité, c’est normal pour retrouver ton père. À la recherche de ta jeunesse et à la recherche de la vie de ce père que tu admirais tant.
Cette année-là, ton père venait d’être nommé en fonction au Maroc.
Tu te souviens d’une arrivée à Casablanca, lorsque tu étais enfant. Il n’y avait pas de port à l’époque, ton père a du prendre ta mère dans ses bras pour débarquer, il avait de l’eau jusqu’aux genoux et toi tu regardais étonné de la scène.
A l’époque le Maroc était un protectorat français. Né d’une famille auvergnate montée à Paris, ton père servait l’état français dans la police pour des missions longues. Au Maroc, il rencontre ta mère d’origine sicilienne. Toi, tu es né à Casablanca. Ton enfance à Yousoufia : Louis-Gentil un douar dans la banlieue.
Servir la nation, une transmission ancestrale chez vous ! Un roman familial fait d’épopées mémorables. Ton grand père maternel d’origine sicilienne a kidnappé au monastère une jeune nonne sicilienne, ils partent et s’installent tous les deux au Maroc, lui travaille pour l’état français dans l’exploitation des mines de phosphates de Casablanca.
À la veille de la 2ème guerre un de tes oncles sicilien s’engage à 18 ans dans la légion étrangère. Toujours l’honneur du drapeau.
Tu te souviens des larmes de ton père le jour de l’indépendance du Maroc, lorsqu’ils ont enlevé le drapeau français au bureau de police pour mettre à la place le drapeau marocain.
Tu te souviens des déménagements au gré des mutations, à chaque fois une vie à refaire.
De 1956 à 58 ton père est nommé brigadier de police dans les Vosges près d’Epinal. Une dramaturgie familiale qui souffle le froid et le chaud, faite de départs parfois en catastrophe et d’arrivée dans un pays inconnu où il faut s’adapter à des gens nouveaux. Tu regrettes la nourriture épicée et la chaleur des villages en bordure du désert dans la région de Casablanca Rien à voir avec la froidure des hivers des Vosges près d’Epinal. S’adapter au gré des postes dans la police.
En 1958, c’est l’Algérie, avec ses paysages magnifiques, à Oran et à Nemours un douar près de la frontière marocaine. Tu as onze ans. Tes jouets, des noyaux d’abricots qui passaient de main en main. Près du village, avec les bandes de gamins, vous jouez au foot avec des grenades fruits ramassées sous les arbres. Depuis l’orangeraie, vous guettez l’arrivée des caravanes sur la longue piste en terre qui prolonge le village en direction du désert.
Les dromadaires transportent des sacs chargés de sel vers les villes de la côte, aujourd’hui les nomades sont guides de randonnée pour les touristes en mal de dépaysement. Tu trouves que c’était mieux avant, du temps des français. Les choses et les paysages se sont dégradés. Il reste les ruines de puits d’extraction de pétrole à l’abandon dans le désert. Ce jour-là, comme le vent charriait du sable venu du désert et qu’il s’insinuait sous les portes, tu as senti que le pays se refermait, que plus rien ne serait comme avant, qu’il vous fallait partir, vous étiez indésirables dans cette Algérie qui ne voulait plus de vous. Vous êtes repartis vers la France.
Dans ta mémoire les cavaliers sont encore là. Les hommes bleus du désert et leurs histoires mystérieuses.
Rêves d’itinérance et de vie nomade.
Le lointain comme l’amour où la poésie est toujours peuplée de merveilles.
Texte Marie-Pierre BAYLE
Tableaux "REIDROC"
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