Le Jean Valette
nouveau est apparu il y a bientôt un an, un jour de juin 2018 pour
l'expo 20x20 au Calvaire, des têtes de mort, des vanités, avec du
gros fil blanc. Depuis des toiles avec ficelle collée, des toiles
cloisonnées, fragmentée pour des choses à raconter. Une affaire
bien ficelée.
Qu'est-ce qui se cache
dans ces labyrinthes en forme de BD?
Nous allons fêter cet
anniversaire ensemble.
Prenons le temps de
nous promener dans quelques unes de ces peintures lissées, policées
avec maîtrise et savoir faire qui nous racontent une histoire que
chacun va s'inventer.
«L'Autre»
Vous l'avez bien sûr
reconnue, c'est la Lame XII du Pendu dans le Tarot de
Marseille, le premier livre ancien imagé.
Son tableau, Jean l'a
appelé «L'Autre». C'est le titre de la pièce de théâtre des
Pénitents que les Tupins devaient
illustrer. «L'Autre», un schizo qui a mal tourné, une pièce
qui finit mal.
Le tableau de Jean n'a
rien à voir avec une image mortifère, bien au contraire.
L'Autre,
un Grand Pendu Bleu ciel azuré, accroché par le pied gauche à un
plafond obscur.
De grands glaives de
chaque côté pointent leurs lames rouges comme autant de menaces.
Deux arbres à
l'envers. Écrire blanc sur noir.
A gauche de l'image,
mais à droite du Pendu, un Soleil et Lune en blanc sur fond
d'obscurité.
Un gamin farceur, jeune
dieu de l'Olympe, perché sur le genou replié de l'Autre,
s'interroge et s'essaie à coup de formules mathématiques, magiques,
cabalistiques à inventer un monde nouveau pour s'amuser.
Un vieil alchimiste
rescapé d'un naufrage sous son grand parapluie flotte avec bouée et
vieux manuscrit dans les eaux d'un ciel azuré, à la recherche de la
formule magique pour se sortir de là.
Serait-ce Neptune en
personne, qui aurait perdu l' Antiquité, son trident, son royaume et
ses sirènes! Décidément ce monde est foutu! Quel foutu monde où
les symboles se perdent, galvaudés, tournés en dérision de manière
désastreuse! Neptune s'en fou! Il lui faut regagner la rive au plus
vite, il ne sait pas nager.
Et ses femmes posées
là de chaque côté. Quelle idée! Que font ces deux visages, l'une
échevelée, perdue, abandonnée, désirable à n'en pas douter et
l'autre grande dame à la voilette apprêtée à la mode ancienne
bourgeoise du dix-neuvième. Sont-elles les deux oreilles
ambivalentes de notre Vieil Apprenti Sage? La voix des amours
immorales, follement désirables, tout permis. L'autre la voix de la
bienséance policée, intelligente et mariée, bonne mère et bonnes
manières, tellement désirable elle aussi.
Notre Sage au visage
bleu, celui qui dans la tradition a traversé indemne tous les
poisons de l'existence reste imperturbable et serein.
Dans le
feuillage inversé de l'un des arbres, comme des berges reverdies, un
humain en lambeau s'époumone à travers la nuit, il lance son
haleine infecte et vocifère. Notre impassible Sage a coupé tout
lien avec les inepties du monde.
Triple serrage de
ceinture, comme des mains de lumière pour se rendre plus fort.
Triple tour de cou,
trois renversements. La posologie est-elle suffisante pour arrêter
les conneries?.
Je vous propose de
regarder le tableau à l'envers. Un petit effort, mettez votre tête
entre vos jambes et regardez. Pour ceux qui ne peuvent y arriver,
faites un dernier essai. Imaginez et vous verrez. L'accouchement du
Nouvel Homme entre les jambes de la grande Obscurité, un fœtus prêt
à sortir des eaux matricielles de Mère Nature.
Un homme nouveau
déjà vieux, déjà ridé comme le sont parfois les nouveaux nés
tellement il a dû hésiter, étudier, se mortifier avant d'accepter
de venir dans ce monde perdu, cette drôle d'humanité. Lao Tseu est
parait-il né ainsi. Vieil homme jeune, déjà sage. Sauveur parmi
les hommes.
Pendu et pénis ont la
même racine latine. Notre Pendu redressé par le peintre célèbre
une histoire de retournement, de régénération. Le superbe visage
de vieillard respire la sérénité de celui qui au bout de sa vie
fait face au devenir, s'abandonne en confiance, en lucide
intelligence.
Pourquoi cette idée
de fil sur la toile? Jean confie: Pour éviter le dessin classique et
éviter l'absence de dessin. La ficelle promenée sur la toile
propose des solutions intéressantes, reste à choisir celle qui va
dans le sens de mes idées en gardant l'imprévu, l'heureux hasard.
En jardinier avisé et curieux, je viens de planter des graines de
courges trompettes d'Albenga.
Je verrai si elles poussent chez moi. Le vent du sud commence à bien
souffler.
Le peintre est ravi de
voir son Frankenstein lui échapper et partir à l'aventure dans
d'autres imaginations.
Et parce que la
peinture comme l'écriture prend parfois la clé des champs, le
prochain chapitre parlera du «Labyrinthe».
«Certaines portes que
l'on ouvre ne se referment jamais. Elles donnent sur un chemin étroit
et sinueux qui mène vers un changement extraordinaire du cours de
l’existence.» (extrait de l'homme à la tête de chat).....
Bravo à tous les
peintres jardiniers et à toutes les peintres bonnes cuisinières! Ah
ah ah! histoire familiale de cuisson de champignons pas tous
hallucinogènes.
Peinture : Jean VALETTE - Texte : Marie-Pierre BAYLE
Avril 2019