mercredi 14 août 2019

MARYSE CORTIAL - LE SEC ET L'HUMIDE


LE SEC ET L'HUMIDE

Sur le papier blanc sec, résistant, une goutte aquarellée s'épanche à partir d'un centre marqué par l’extrémité du pinceau. Vie parcellaire, cellulaire, minuscule, chaque goutte d'eau emprisonne la lumière et le pigment rejeté à la périphérie ne fait que révéler la lumineuse présence, l'âme du papier.



Comme un tissu vivant chaque cellule reliée aux autres cellules élabore ses propres tonalités, son unique personnalité, à travers la trace aléatoire et démultipliée du pinceau. Humide sur sec, le peintre nous relie au mystère des origines aquatiques, à la vie matricielle et placentaire.




«L'homme n'a pas besoin de voyager pour s'agrandir, il porte déjà en lui l'éternité» a écrit Chateaubriand.
A travers le BLEU présent partout dans les aquarelles de Maryse nous entrons dans «la silencieuse puissance de la peinture» dont parle Eugène Delacroix.



Sieste à tous les étages.


A l'ombre d'un arbre ou au creux d'une chambre fraîche, par temps de canicule la sieste est de rigueur. La sainte oisiveté des après-midi d'été qui nous plonge dans un demi sommeil, est salutaire! Dans le sommeil profond, y a-t-il un seul esprit qui nous emporte et nous nourrit, une seule âme? L'esprit a-t-il revêtu la terre d'un unique vêtement? Quelle est la couleur des songes? La quête perpétuelle du peintre! ce quelque chose qui pense ou qui rêve dans la peinture?


L'art du tonnelier



Il ne suffit pas que le peintre peigne en couleurs chacun de ses tableaux bleu-lumière, pour que le miracle s'accomplisse et que le monde soit trans formé. Il faut que l'humain besogne, coupe des bois, des planches, confectionne des tonneaux, des avions, des sous-marins, creuse toujours plus, qu'il s'enferme dans des laboratoires et là-haut, aille marcher sur la lune.

Chaque peintre porte en lui ce désir de changer le monde.L'homme en rêve! Il a lu tous les livres, constitué d'immenses bibliothèques, il a chanté des psaumes dans toutes les langues, peint les plus belles icônes, érigé des tours plus hautes que celle de Babel, et des phares pour les marins au creux des océans.


Bleu le paon 



L'esprit est Bleu. Tantôt liquide comme une mer étale, il fredonne aux flancs de la rivière, il s'égosille dans le chant des oiseaux. Bleu somptueux la gorge bleue du paon, l'oiseau de paradis. L'antique robe de Neptune partout se déploie, dans l'aquarium étroit où grouille les poissons et dans le golfe hurlant perdu en pleine mer.


Deux encoquillés



L'escargot dès qu'il s'expose, il marche, sinon il rentre pour faire la nique aux importuns.
Il est précieux de pouvoir rentrer chez soi au moindre danger et de percevoir l'autre du bout de ses antennes, des yeux globuleux. Première leçon de bave et de marche en majesté à son petit encoquillé. Quel merveilleux port de tête, si touchant, si lent et sur leur passage une trace argentée, baver d'orgueil ou de colère.

Le peintre s'approvisionne d'apparences. L'esprit en vacance a besoin de s'encanailler, de s'amouracher, de s'enivrer, de prendre des nageoires et d'escalader.


Ville bleue


Pluie diluvienne, un rideau serré de lignes verticales, intense entre le haut et le bas. Une pluie de supermarché pour grande ville habitée, pluie de place Vendôme. Le bleu nostalgique nous tire vers le passé, un peu pollué. Pluie ordinaire de jour de rentrée, parapluies de saison, pour tout nettoyer et recommencer. Pas d'arbres, aucune végétation pour retarder la chute. N'allez pas chercher l'esprit à la campagne. La ville est bleue de pollution mais saturée de vie, les esprits sont en travail, en confrontation, en gestation. L'esprit a quitté la montagne et déserté les sommets, il s'est ramassé bien vivant au cœur des villes surpeuplées. Une densité propre à une gestation nouvelle. L'esprit toujours un peu bleu.


Encre noire,....le retour



A travers mes racines tordues, c'est la multitude des méandres de la vie qui se cherche, se démultiplie, se perd et se régénère. Majestueux retour à la poussière.
Les racines fascinent l’œil du photographe ou du peintre, monde souterrain, monde occulte mis à jour, mis en lumière, sorti de son contexte. De belles lignes graphiques les racines!. Où sont celles des humains? Dans la tête? Les pieds n'arrêtent pas de bouger, les mains aussi. 



Peindre ou écrire c'est l'errance. L'esprit, c'est l'errance, il souffle où il veut, mais Qui veut! 

Y a-t-il une volonté. L'Esprit dit : tu iras où tu voudras, tu parcourras les hivers, les mers et la terre des hommes sous la pluie, au soleil, au sommet du phare de tes illusions, jusqu'au fin fond de tes océans et tu ne me trouveras pas. Pars, va errer dans les villes des hommes, puis concentre-toi sur l'ouvrage à accomplir, sur ton dessin, sur ta toile à réaliser, à dessein, alors l'apaisement, le bonheur, puis la Joie arrivent.



Aquarelles  Maryse CORTIAL         
Texte Marie-Pierre BAYLE

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