« C'est un jardin extraordinaire :
Il y a des canards qui parlent anglais.
…
On y voit aussi des statues
Qui se tiennent tranquilles tout le jour, dit-on
Mais moi, je sais que, dès la nuit venue,
Elles s'en vont danser sur le gazon. »
Parfois des étudiants facétieux leur font prendre l’air de la rue, mais bruit, agitation, gaspillage ne conviennent guère aux sages et craintifs petits habitants du jardin extraordinaire.
Ils ont de qui tenir, du sang bleu, leur arbre généalogique remonte loin dans l’histoire et la géographie ; descendants des moaï de l’île de Pâques, des dieux aztèques en pierre volcanique, des statues Senoufo en bois de Côte d’Ivoire, des Tikis de Polynésie et des Vénus primitives, aussi cousins lointains d’Alberich le roi des nains à l’anneau magique, et frères du petit peuple des forêts, gnomes, lutins, elfes, farfadets, korrigans, pixies…
Ils peuplent le jardin de Marie-Pierre, assistent, émus, à la naissance de nouvelles créatures au son des cliquetis répétitifs et sériels de la massette, gradine et de la pierre.
Petits dieux lares, ils protègent le jardin des intrusions mauvaises, et des esprits diaboliques qui pourraient le menacer, l’œil indulgent pour le vieux chat-chimère qui trouble le silence de sa voix quincharde et affamée.
Souvent par deux, couple fusionnel, frère et sœur de lait d’une théogonie d’après le chaos et qu’il faudrait bien de la violence pour séparer en brisant la pierre sans regarder leurs yeux ronds démesurément agrandis d’effroi devant le sacrilège.
Ils ont aussi le destin des souvenirs qui meurent lentement, comme les sculptures chamaniques en bois du Népal dont l’âge amoindrit le pouvoir, abandonnées, mises au rebut, souvent jetées dans la rivière que le sable et le courant abrasent et patinent et qui acquièrent du temps et des éléments sculpteurs cette beauté involontaire, émouvante et définitive.
« Papa, c'est un jardin extraordinaire
Il y a des oiseaux qui tiennent un buffet.
Ils vendent du grain, des petits morceaux de gruyère.
Comme clients ils ont Monsieur le maire et le Sous-Préfet. »
Sculptures de Marie-pierre BAYLE
Photos de Cécile CAMATTE
Texte de Jean VALETTE (avec des extraits du "Jardin extraordinaire" de Charles TRENET)
Merci pour ces moments d'exception dans ce contexte très déconcertant et anxiogène.
RépondreSupprimerLes sculptures de Marie-Pierre nous transportent dans des civilisations si lointaines et en même temps relativement éphémères, de quoi nous faire réfléchir sur la nôtre. ..! Enfin, ils avaient semble-t-il "le droit" de s'embrasser sans retenue!
Félicitations à Marie-Pierre pour ces belles sculptures de pierre et à Jean pour ces commentaires à lire sans modération mais avec un dico à proximité.
L'oeil est super réussi et j'ai eu l'impression qu'il lisait dans mes pensées mais s'il pouvait scruter le Covid19 ça pourrait peut-être faire avancer la recherche plus vite.
Prenez soin de vous
Bises
Annie ROBERT-MICHEL