lundi 28 novembre 2016

UN PINCEAU ET DEUX PLUMES




Aquarelle Michelle PALLAY - Texte Marie-Pierre BAYLE  

                                     
On ne commande pas aux souvenirs. Ils arrivent à notre insu par une image, un objet que l’on retrouve ou encore mieux une peinture.
Michelle affectionne l’aquarelle. Elle les réalise d’après ses propres photos. Des croquis rehaussés de couleurs au lavis.  Ils m’attirent et les souvenirs affluent.
C’est en regardant  Michelle peindre son « Nu sur la plage » à notre local des Tupins que le déclic s’est produit. 

En furetant dans la grande brocante de l’armoire aux souvenirs je l’ai retrouvé. « Nu sur la plage » un croquis qui m’a évoqué les toutes premières esquisses réalisées par Matisse pour son tableau « Luxe, calme et volupté  »
Dans les années  30 quand on vient de Russie et que l’on a vingt ans être modèle dans un atelier d’artiste à Paris est une façon tout à fait honorable et chanceuse de gagner sa vie.
C’est ainsi que Lydia, ma grand-mère a  fait connaissance de Nice et de la Provence. Elle a été embauchée comme aide d'atelier dans la maison d'Henri Matisse pour un remplacement de plusieurs mois. Les confidences d’une grand-mère à sa petite fille  sont trésors précieux dont l’imaginaire se nourrit pour longtemps.  Je l’entends encore me raconter son histoire, à mi voix, peu de temps avant sa mort en 1998. Ce qui me reste de ce moment  c’est son sourire ébloui et cette larme au coin des yeux.


« Là-bas, dans le sud, quelque part en Provence,
L’atelier du peintre ouvrait sur la campagne.

Lydia était assise dans le grand canapé vert.
Matisse, avant de s’allonger près d’elle,
Avait ouvert la fenêtre donnant sur le jardin.
La lumière dorée l’avait éblouie un instant.
Il avait doucement tiré le grand rideau bleu.
Madame était partie de la maison pour quelques jours.
 
-Intimité-

Il lui avait fait l’amour tendrement.
Elle s’était laissé faire,
Histoire de passer les heures chaudes de la sieste en douceur,
Langueur méridionale, lenteur des heures perdues.
Après midi ordinaire.
Il avait fait le café, noir, bien corsé.
L’avait laissé tiédir,
Avait posé sa tasse près du chevalet. 
Elle avait pris la pause,
Ouvert  le dernier roman, d’un certain Boris Vian.
Elle avait fait semblant de lire.
Pour tout d’ailleurs, elle faisait semblant.
Luxe, lumière…, rien de  plus…
Son esprit partait ailleurs.
Bientôt, elle retrouverait la vie parisienne,
Ses anciens amis, elle rêvait d’un nouvel amant.
Il lui tardait maintenant de quitter la pause.
Elle n’avait plus la patience, s’agaçait pour un rien.
Le grand atelier trop encombré, trop vieux.
Poussière et tapis persan, à vingt ans, elle en avait soupé.

Sur le coin de la table,
Dans son vase doré,
La fleur de pivoine baissait la tête ».

 
Ce que ma grand-mère ne savait pas ce jour-là c’est qu’elle deviendrait la collaboratrice d’  Henri Matisse. Lorsque sa femme le quitte en 1939, le peintre rappelle Lydia Délectorskaya. Elle lui est indispensable, c’est elle qui  organise ses différents déménagements et lui apporte une assistance quotidienne, lorsque sa santé et son état physique se détériorent. Elle l'aide également à continuer à créer.
Le dernier dessin de Matisse est pour Lydia Délectorskaya le 1er novembre 1954. Il meurt deux jours plus tard. 




 Aquarelle Michelle PALLAY - Texte Jean VALETTE
                                      
    
Soliloque d’un modèle

… une heure déjà qu’il est sorti en claquant la porte - mais bon, il n’est pas pingre, il me payera le temps passé - c’est la première fois qu’il se met en colère parce qu’il échoue - Il a failli percer la toile en la grattant rageusement au couteau - lui si correct d’habitude - il m’a jeté un - et toi tu bouges pas - avant de partir - faudra pas qu’il recommence à me rudoyer ainsi - fini le temps de la petite repasseuse qui baissait les yeux devant les clientes hargneuses

soupir de dépit

j’en ai fait du chemin depuis l’époque de la blanchisserie - un jour comme les autres un client est entré avec une pile de chemises à nettoyer - du beau linge - en baptiste de lin - délicat à repasser mais tellement chic pour un homme - j’avais bien remarqué ses regards - les femmes ont un sixième sens pour ce genre de choses - il revenait souvent, apportant ses chemises pièce après pièce pour se donner l’occasion de m’entrevoir timidement du coin de l’œil - ton amoureux - se moquaient les copines - un soir il m’attendait, un bouquet de violettes en cadeau et voilà c’est aussi simple quand on a de beaux yeux - j’ai eu de la chance - j’en conviens - mon amoureux - mon timide peintre - ne mangeait pas de vache enragée - un fils de famille qui recevait une mensualité d’un oncle de province

petit rire satisfait

c’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier - dans son atelier venait tout un lot de pique-assiette  qui peinaient à finir le mois, mais aussi des critiques d’art et de bons peintres - en observant des modèles professionnelles sans élégance j’ai eu l’idée de poser pour lui - un peu par jalousie au début - les modèles ne sont pas farouches et les hommes sont les hommes

petit rire entendu

aujourd’hui je suis un modèle recherchée par les meilleurs peintres - je m’en suis donné du mal - faire mon miel des conversations d’artistes - musiciens - peintres - poètes - copier les élégances des femmes du monde - plus souvent du demi-monde - il faudra que je change de nom - Colette c’est gentil mais province - mon surnom de modèle Coco c’est plus chic - j’aimerais Oriane depuis que j’ai lu en feuilletant un livre à la mode cette phrase qui m’obsède - Oriane s’assura du scintillement de ses yeux non moins que de ses autres bijoux  - rencontrer un homme aisé - distingué - qui m’établira dans un petit hôtel particulier quartier de la Nouvelle Athènes - avoir mon jour de réception pour les artistes - me lever tard - choisir de belles toilettes - paresser - avoir chaud en hiver et un grand lévrier espagnol

Soupir d’aise

ce soir j’ai rendez-vous avec les copines - les anciennes copines de la blanchisserie - on a de moins en moins de choses à partager - sans être jalouses elle me regardent avec envie - il faudra que je change de tenue - j’en garde une - d’avant - pour ne pas les gêner - mais c’est pire - je ne sais pas quoi faire - le temps passe …
 


samedi 19 novembre 2016

QUELLE JOIE L'ART DE PEINDRE !

Le premier artiste qui a laissé son empreinte autrefois, sur la paroi des grottes, en traçant au charbon de bois la forme de sa Question, se nommait Théo. Depuis l’aube des Temps,  à travers la peinture, l’Aimé de Dieu interroge le Créateur.

Lorsque Théo se met à peindre on suspend son souffle.
Ses mains meurtries par le travail, pourtant des bijoux de peinture sortent de ses mains. 

Son corps robuste, puissant,  sa peinture si délicate et raffinée.
Tout en force contenue, penché, un peu voûté, très concentré, l’esprit posé.
 
                      Par son geste Théo se met à parler.     
 
Il est précis, assuré, minutieux, une peinture délicate, raffinée, nourrie des maîtres anciens. Une longue pratique exigeante, soutenue par un regard intransigeant, perspicace.
Pour voir plus loin. Au-delà du paysage.  Une peinture qui oblige au silence 


 Dans « Village sous la neige », le personnage seul dans le lointain. Une solitude, bâtie autour  de la trouée lumineuse du bout de la rue. Neige épaisse à couper au couteau, Froid, solitude et silence. L’épaisseur des murs, celle de la neige qui l’on pourrait toucher, une densité toute matérielle, tactile, pour faire vivre l’âme de la peinture. Une mémoire de l’émotion.

Être au plus proche du paysage car la réalité est Suprême joie.


                               Silence et contemplations.  
 
Ses peintures se nomment : "chemin dans la forêt", "chemin dans la brume" ou encore "chemin sur la lande"...    Des chemins en cailloux, tortueux, tourmentés, des chemins qui invitent à marcher, à traverser seul.  


Cheminer à travers les chemins de Théo c’est emprunter le mystère des ombres, des entrelacs de racines, tourner autour des  reliefs, des horizons qui se déploient soudain,  vastes et solitaires, chargés de secrets, presque inhumains. Derrière le rideau bluffant de la peinture, chaque trait, chaque couleur engendre la possibilité d’un chemin.


Le paysage existe par la peinture. Qu’en serait-il du beau si aucune peinture, jamais,  n’avait existé. Aucun Courbet ou Géricault et tous les autres anciens ou plus récents.

L’âme sensible à fleur de pinceau sait rendre à l’eau son âme bleutée en lumière turquoise.


Les paysages se déploient à l’infini, en  trouées lumineuses et en cascades gazouillantes et sereines. Sous nos yeux, la cascade est en train de couler  lumineuse et dorée.
 
Quelle Joie l’art de peindre ! 


 « La dame âgée » évoque pour le peintre la question du Hamlet de Shakespeare: Être ou Ne pas être ? Qu'est-ce "être"?

 
 Je crois dit  Théo que tous mes tableaux se ressentent de cette interrogation ! 

«  La peinture ne s’explique pas elle se ressent, je n’ai pas la prétention d’un philosophe-peintre » dit encore Théo.

 Alors, Prendre son temps. Ne plus seulement regarder. Voir.
 
Laisser tomber les phrases, laisser tomber les mots.  Silence et contemplation.


Lorsque le peintre donne l’ultime coup de pinceau à son tableau une joie sereine s’installe.
 
«  Il n’y a pas un moment où nous ne serons pas ».  Bhagavad Gita  ch II  verset 12

 Acryliques et pastels : Théo Rossler
                                           Texte : Marie Pierre Bayle   juin 2016



 

 






 

vendredi 11 novembre 2016

VERRIÈRES, EXPOSITION ET REPAS



Jusqu'aux vacances de Noël seize Tupins exposent dans les salles du restaurant du Lycée professionnel du haut-Forez.
Dans la petite salle qui accueille le public, seize tableaux.

Marie-Henriette Bory, "À l'abri, Malte", acrylique.
Michel Valhorgues, "Barque en étiage", aquarelle.

 Christiane Chevaleyre, "Automne", huile.
Michelle Pallay, " Bateau de Porto", aquarelle.

Maryse Cortial, " la pesée", aquarelle.
Anne-Marie Reynaud, "confiture", huile.
Christiane Chevaleyre, "Automne", huile.

 Théo Rossler,"Le cygne", pastel (avec ...les reflets des spots de plafond de la salle)
Claude Meynier, "Bisons dans la brume".


 Jean Valette, "Carrières de Périgneux", huile.
Evelyne Ponchon, "La source de la Loire", acrylique.

Marie-Pierre Bayle, "Après-midi d'été", acrylique.
Pierre Combat, "Deux maisons dominent la mer", huile.
Sylvaine Leroy, "Sous-bois", acrylique.

Agnès Guillot, "La pose", acrylique.
André Tissot, "Moulin de provence", acrylique.
Pirre-Marie Neel, "Saint Tropez", huile.

Dans la grande salle qui sert essentiellement de réfectoire aux élèves, seize autres tableaux.
Merci au comité d'accrochage et aux bonnes volontés pour pendre tous ces tableaux.




Le lendemain, nous nous retrouvions pour un repas grec.
Salade grecque (tomate, féta grillée, oignons rouges, olives noires).

Bar flambé à l'ouzo, fenouille grillé.

 
Un coup de main délicat pour les élèves de l'école hôtelière de lever les filets du bar. 


Fromage blanc au miel et fruits secs
Assiette de déserts : figues rôties, rizogalo, halva et baklava.

 Un moment agréable et gourmand, 


qui nous faisait oublier la froidure extérieure,



 comme les Tupins aiment en partager,

 entourés de leurs œuvres.


Merci aux personnes qui nous ont accueillis à Verrières pour l'accrochage, aux élèves très stylés, à leurs professeurs  et bien sûr aux cuisiniers pour cet excellent repas grec.






 





samedi 5 novembre 2016

DANS LES VIGNES D'AUTOMNE

Profitant d'un après-midi d'automne doux et lumineux, quatre tupins ont gravi les pentes du vieux volcan Montaubourg pour aller déplier leur chevalet dans les vignes.


Près de Marcoux, du château de Goutelas,
avec un  panorama sur la plaine, Marcoux, Montverdun, le mont d'Uzore...


et les somptueuses couleurs de l'automne.

Un motif intéressant : les chevalets pendant la pause-café.

Quatre peintres, quatre techniques :

Marie-Henriette à l’acrylique, sobre dans ses couleurs d'automne.


Michèle et le délicat travail de l'aquarelle.

Théo et les magnifiques couleurs du pastel.

Jean, à l'huile, lâche la bride aux couleurs chaudes.

Le travail rythmé par les bruits de la plaine, cris de rapaces en chasse, son des cloches, vaches et ânes ...

Deux heures et demie de repos laborieux, dans l'énergie des couleurs et le calme de ce bel après-midi d'automne sur un ancien volcan, dans les vignes.