dimanche 28 avril 2019

JEAN VALETTE - L'AUTRE



Le Jean Valette nouveau est apparu il y a bientôt un an, un jour de juin 2018 pour l'expo 20x20 au Calvaire, des têtes de mort, des vanités, avec du gros fil blanc. Depuis des toiles avec ficelle collée, des toiles cloisonnées, fragmentée pour des choses à raconter. Une affaire bien ficelée.
Qu'est-ce qui se cache dans ces labyrinthes en forme de BD?
Nous allons fêter cet anniversaire ensemble.
Prenons le temps de nous promener dans quelques unes de ces peintures lissées, policées avec maîtrise et savoir faire qui nous racontent une histoire que chacun va s'inventer.

«L'Autre»

Vous l'avez bien sûr reconnue, c'est la Lame XII du Pendu dans le Tarot de Marseille, le premier livre ancien imagé.




 Son tableau, Jean l'a appelé «L'Autre». C'est le titre de la pièce de théâtre des Pénitents que les Tupins devaient illustrer. «L'Autre», un schizo qui a mal tourné, une pièce qui finit mal.

Le tableau de Jean n'a rien à voir avec une image mortifère, bien au contraire. 



L'Autre, un Grand Pendu Bleu ciel azuré, accroché par le pied gauche à un plafond obscur.
De grands glaives de chaque côté pointent leurs lames rouges comme autant de menaces.
Deux arbres à l'envers. Écrire blanc sur noir.
A gauche de l'image, mais à droite du Pendu, un Soleil et Lune en blanc sur fond d'obscurité. 




Un gamin farceur, jeune dieu de l'Olympe, perché sur le genou replié de l'Autre, s'interroge et s'essaie à coup de formules mathématiques, magiques, cabalistiques à inventer un monde nouveau pour s'amuser.

Un vieil alchimiste rescapé d'un naufrage sous son grand parapluie flotte avec bouée et vieux manuscrit dans les eaux d'un ciel azuré, à la recherche de la formule magique pour se sortir de là. 




Serait-ce Neptune en personne, qui aurait perdu l' Antiquité, son trident, son royaume et ses sirènes! Décidément ce monde est foutu! Quel foutu monde où les symboles se perdent, galvaudés, tournés en dérision de manière désastreuse! Neptune s'en fou! Il lui faut regagner la rive au plus vite, il ne sait pas nager. 




Et ses femmes posées là de chaque côté. Quelle idée! Que font ces deux visages, l'une échevelée, perdue, abandonnée, désirable à n'en pas douter et l'autre grande dame à la voilette apprêtée à la mode ancienne bourgeoise du dix-neuvième. Sont-elles les deux oreilles ambivalentes de notre Vieil Apprenti Sage? La voix des amours immorales, follement désirables, tout permis. L'autre la voix de la bienséance policée, intelligente et mariée, bonne mère et bonnes manières, tellement désirable elle aussi.
Notre Sage au visage bleu, celui qui dans la tradition a traversé indemne tous les poisons de l'existence reste imperturbable et serein.




 Dans le feuillage inversé de l'un des arbres, comme des berges reverdies, un humain en lambeau s'époumone à travers la nuit, il lance son haleine infecte et vocifère. Notre impassible Sage a coupé tout lien avec les inepties du monde.

Triple serrage de ceinture, comme des mains de lumière pour se rendre plus fort.
Triple tour de cou, trois renversements. La posologie est-elle suffisante pour arrêter les conneries?.

Je vous propose de regarder le tableau à l'envers. Un petit effort, mettez votre tête entre vos jambes et regardez. Pour ceux qui ne peuvent y arriver, faites un dernier essai. Imaginez et vous verrez. L'accouchement du Nouvel Homme entre les jambes de la grande Obscurité, un fœtus prêt à sortir des eaux matricielles de Mère Nature. 




Un homme nouveau déjà vieux, déjà ridé comme le sont parfois les nouveaux nés tellement il a dû hésiter, étudier, se mortifier avant d'accepter de venir dans ce monde perdu, cette drôle d'humanité. Lao Tseu est parait-il né ainsi. Vieil homme jeune, déjà sage. Sauveur parmi les hommes.

Pendu et pénis ont la même racine latine. Notre Pendu redressé par le peintre célèbre une histoire de retournement, de régénération. Le superbe visage de vieillard respire la sérénité de celui qui au bout de sa vie fait face au devenir, s'abandonne en confiance, en lucide intelligence.

Pourquoi cette idée de fil sur la toile? Jean confie: Pour éviter le dessin classique et éviter l'absence de dessin. La ficelle promenée sur la toile propose des solutions intéressantes, reste à choisir celle qui va dans le sens de mes idées en gardant l'imprévu, l'heureux hasard. En jardinier avisé et curieux, je viens de planter des graines de courges trompettes d'Albenga. Je verrai si elles poussent chez moi. Le vent du sud commence à bien souffler.

Le peintre est ravi de voir son Frankenstein lui échapper et partir à l'aventure dans d'autres imaginations.

Et parce que la peinture comme l'écriture prend parfois la clé des champs, le prochain chapitre parlera du «Labyrinthe».
«Certaines portes que l'on ouvre ne se referment jamais. Elles donnent sur un chemin étroit et sinueux qui mène vers un changement extraordinaire du cours de l’existence.» (extrait de l'homme à la tête de chat).....

Bravo à tous les peintres jardiniers et à toutes les peintres bonnes cuisinières! Ah ah ah! histoire familiale de cuisson de champignons pas tous hallucinogènes. 


Peinture : Jean VALETTE     -  Texte : Marie-Pierre BAYLE 
Avril 2019

jeudi 18 avril 2019

MARIE RAVANNAT - VOYAGE EN PAYS DE SUD INTENSE



VOYAGE EN PAYS DE SUD INTENSE


Un pays de sang chaud où le printemps cède vite à l'été.
Des terres brûlées, des cailloux et des rochers.
A l'horizon un affleurement granitique, tellurique, de marbres veinés de bleus 

Pays rouge de passions éclatées,
Où les combats s'exaltent, où ferraillent en cachette des hommes en embuscades.

Ces Ombres noires dans un buisson de feu et de vents.
Ombres trop humaines, puissantes dans le secret des nuits.
De la cendre chaude, des cris et des silences étouffés.
Rouge vie, colère, sang, querelle.

Pays de fin d'été, d' automne agonisant.
La beauté éclatante des choses qui finissent.
Fin de saison, fin de cycle, fin d'un monde.
Une apocalypse masquée sous la virtuosité des couleurs.
Pays en mutation, en bataille, jeté au couteau.

La peinture de Marie: un palimpseste pictural,
Un champ de couleurs que l’œil organise en fleurs, en végétaux,en souvenirs égarés.
Fragmentation, morcellement, épaisseurs et superpositions.
Une palette heurtée et efficace pour dire d'anciennes histoires, toujours actuelles.
Des romans de vies mêlées.

La peinture de Marie: une pixellisation de l'image,
L'affrontement des verts et des sangs mêlés de bleus gris, des cendres à peine refroidies.
Une cuisine picturale vigoureuse, des éclats de couleurs pour cuisine de chef.
Une mastication réussie de teintes pétries habilement sur la palette.

Et la rivière imperturbable coule toujours au premier plan.
Une valeur sûre, cette rivière, de la douceur sur la toile, féconde et rassurante.
A côté le jaune éclate, citron intense comme un dessert de pique nique au milieu des genêts.
Un instantané virtuose, une apothéose lumineuse juste avant que le jour ne s'efface.

Peinture pâtissière ou délicieux dessert qui accroche le regard et fait saliver.
Le romanesque côtoie la gourmandise,
A la recherche de l'énigme masquée dans la peinture.


QUAND LA PEINTURE FONCTIONNE CE QUE NOUS PEIGNONS NOUS DÉPASSE
 
Peinture : Marie RAVANNAT                                                       Texte : Marie-Pierre BAYLE