dimanche 17 juillet 2016

LE GOÛT DU BONHEUR

L’enfance n’appartient jamais au passé, elle est immédiatement présente.
Il suffit d’une odeur, une image,  une peinture !

Avec   "Coq" ,  "Petit déjeuner"  et  "Bouquet" champêtre, nous sommes dans la campagne auvergnate invités à feuilleter l’album à souvenirs. Anne Marie a l’art de faire chanter le passé. Son atelier est situé dans l’ancien colombier de sa grand-mère. 

Quoi d’étonnant que les souvenirs affluent ! 


A travers un simple pot de confiture ce sont des tartines d’enfance que l’artiste nous plante devant les yeux, comme une invitation à goûter, à nous mettre autour de la table chez la Mémé et à raconter. En sépia lumineux, des teintes ocre jaune clair et brun foncé. Une ambiance simple et chaleureuse. Le goût du bonheur.

 Tableaux Anne-Marie Reynaud

Le tableau lancerait-il des hormones picturales pour nous réveiller, pour activer  notre sentimentalité, notre goût irrésistible d’enfance ? 

Une Nostalgie heureuse

Les couleurs éclatent douces et chaleureuses. La sépia domine. Justesse du croquis, perfection du tracé, un dessin plus vrai, plus fort que nature pour chanter et nous enchanter Anne Marie a son style, son talent particulier. 


Entre chocolat et bol de café, faïence, porcelaine fine et  petit déjeuner ou bien quatre heures poli avec nappe et serviettes brodées. Souvenirs démultipliés et invitation à rêver.

Autour d’un  pot de confiture, mettez l’odeur de la cuisine  et la maison qui va autour, maison de campagne,  en pierre de taille avec de vieux parents  charmants, aimants, attentionnés. Une grand-mère assise devant la porte d’entrée,  avec qui il fait bon parler en s’asseyant sur ses genoux. Mémé nous raconte sa vie, parfois elle fredonne, des chansons, des histoires qui font rêver et des légendes d’Auvergne qui font peur. 



Instants bénis

Heureux temps des grandes vacances chez les grands parents.
Sur le fourneau, une grande bassine en cuivre remplie d’abricots qui cuisent longtemps à petit feu, des heures durant. Une odeur sucrée enveloppante et heureuse. Odeurs d’instants bénis, délicieux, rassurants, les bons beignets de la grand-mère, l'omelette aux pommes de terre du soir, avec des voix en patois, des cris hauts perchés. Les champs sont moissonnés. Une odeur de fin de saison. La mémé brode sur une chaise basse près de la fenêtre. Un chien fourbu tire la langue et s’étale sur la dalle de pierre de l’entrée.




Trop de chaleur dehors, un dernier char de foin, les gerbes des moissons, la voix des hommes et la batteuse.  Il fait bon être dedans, jouer avec les poupées de chiffon bourrées de son. Le coucou chante. Toutes les heures il sort de sa boîte et nous faisons la course avec ma cousine pour essuyer la vaisselle. En hiver, la brique du soir chauffée dans le fourneau pour bassiner les lits, vous connaissez ! 


Vacances. Les épis de blé sont dans le vase sur la table. Il n’était pas là, du temps de la Mémé, c’est Anne Marie qui l’a composé pour se souvenir. 

L’odeur aigre du lait caillé. L’odeur piquante du pin, feu de bois, thym et serpolet.  Mémé en a rapporté un gros bouquet du jardin. Le civet cuit dans la marmite. Il embaume. Traverser la cour, hésitation. Le coq est là planté sur ses ergots, presque aussi haut que la petite. Alors il faut la main de Mémé pour traverser la cour, pour tirer un seau d’eau au puits.

 Quel coq ! La petite l’a entendu, il l’a réveillée ce matin.
Un coq de fière allure,  Roi de la cour, de la basse cour, un coq à l’allure raffinée, sans être pédant. Un coq, un courtisan, que l’on admire pour son panache. Brillant, victorieux, un beau gallinacé qui crie pour nous apostropher,  réveiller les endormis, les somnolents ou les rêveurs. Un long chant hoqueté. Allez lève-toi, c’est l’heure. Quel Gallus, ce coq, beau gallinacé, fils d’un antique gaulois ! Une homophonie qui a fait beaucoup jaser par le passé.


A lui seul ce Coq en majesté résume et magnifie la palette d’Anne Marie. Que le coq se mette à chanter nous n’en serions pas étonné ! Anne Marie a un talent particulier pour faire jaillir la beauté. Peindre  pour « que ma joie demeure »  et l’on pense au choral de Bach ou au roman de Giono. 


Peindre pour bercer l’enfant que nous sommes restés.


Texte Marie Pierre Bayle, juin 2016

1 commentaire:

  1. Belle promenade dans le passé. Merci aux artistes au pinceau et à la plume. Danielle M.

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