mercredi 21 décembre 2016

DISTRACTION AU TEMPLE DU BOUDDHA


 
Nicole affectionne la peinture de portrait qu’elle réalise à la peinture à l’huile et à la craie pastel. Par le dessin, par la couleur, elle donne vie à ses personnages. Des portraits particulièrement ressemblants où l’âme intime de la personne transparaît et prend vie. Il suffit de quelques mots, un peu de rêve.

J’ai d’abord été séduite par la belle jeune fille aux yeux verts, au regard magnétique réalisée au pastel, qui en intensifie la volupté.


  Ensuite il y a eu la chouette, très chouette, mais qui ne chantera pas pendant cette histoire.


Quant au portrait du jeune moine bouddhiste en habit brun rouge je n’ai pu résister, affinité bouddhiste oblige. Une histoire s’est peu à peu tissée entre la fille aux yeux verts et le jeune lama.



                       Distraction au temple du  Bouddha

Le jeune Tséring égrène son mala les yeux baissés. Devant la porte du monastère bouddhiste de Darjeeling, en Inde du nord, il recueille les offrandes des pèlerins en échange des chappattis du cuisinier.

A l’âge de sept ans le jeune garçon a été formellement reconnu comme la nouvelle incarnation du Très vénérable  Lama Rinpoché. Une délégation de moines en costume d’apparat est venue le chercher depuis son hameau perdu d’une lointaine vallée des Himalayas tout proches. Il a embrassé sa mère et sa grande sœur l’a serré très fort dans ses bras.

« Toutes les réalités sont projections de l’esprit. L’esprit n’existe pas, même les « éveillés » ne le voient, mais il n’est pas inexistant,  fondement de tout. L’esprit est le fondement de tout … ».
L’esprit du jeune Tséring divague depuis un moment. Dans le temple au milieu de ses camarades, il médite comme le lui a conseillé son maître, mais ses yeux reviennent sans cesse à  la peinture de Tara la grande déesse qui occupe la totalité du mur d’en face. Elle sourit et  semble parfois bouger le buste dans une danse immobile fascinante.  Fascinante distraction.  Sa sœur aînée autrefois le serrait souvent dans ses bras, il se souvient de ses seins voluptueux où il restait un instant blotti et qu’elle lui laissait parfois malicieusement titiller.

« Puis-je vivre un océan de bonheur et de vertus ».
 Les prières du lama résonnent avec un éclat particulier aux oreilles de Tséring.

Un nouveau tourbillon éclaire maintenant le corps lumineux de la déesse. Ses pensées vacillent. Le visage de Tara est maintenant si proche qu’il a l’impression de la toucher, il respire sa bouche rouge, ses yeux verts immenses  et la couronne perlée qui recouvre sa tête brille d’un éclat singulier. Ses grands yeux verts le fixent.



 Maintenant elle lui sourit, une ombre vient de passer,  son voile léger s’écarte dans la lumière, ses lèvres s’entrouvrent. Sa peau brune est d’une délicate couleur ambrée, un oranger lumineux en haut de ses jambes.
La vulve de la grande, de l’immense Tara prend la forme et la couleur écarlate du désir.  Un spasme, une lame de fond submerge Tséring. Aller se lover dans le tréfonds de la déesse. Se laisser prendre dans ses multiples bras et s’engouffrer en elle comme il avait vu le faire en cachette sur les images coquines du Kama soutra qui circulait le soir en cachette au dortoir et qui faisait ricaner les plus hardis. Sa chair intime se durcit. Il va éclater, une vague plus forte le submerge c’est sa gorge qui se tend. Comment résister ? A-t-il crié ? 
Au même instant, dans une synchronicité absolue, un vigoureux coup de gong fait voler en éclat le silence épais et visqueux de la salle de méditation.  


 




Huile et pastel sec : Nicole CHAPUIS


Texte : Marie-Pierre BAYLE

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