samedi 4 février 2017

DES ESPACES DE LIBERTÉ HEUREUSE

 PROLOGUE : DANS UNE VIE ANTÉRIEURE.

Frère Evelin œuvrait à son pupitre. Il n’avait pas la meilleure place, elles étaient réservées aux enlumineurs ; entourés de leurs encriers de couleurs, du précieux doré fait d’or pur et de safran, ils représentaient l’aristocratie de l’atelier et morguaient les simples copistes.

Il avait demandé la protection des bénédictins après s’être enfui de la masure de ses parents. De faible constitution, affligé, pour le rude travail, de mains trop délicates, on l’y rudoyait du matin au soir. L’abbé avait vite remarqué son habileté et frère Evelin, nourri à sa faim, chauffé au scriptorium, apprécié pour son caractère doux et son écriture soignée, coulait des jours heureux, loin des tentations de ce monde, accoudé à son pupitre.

Il copiait d’anciens manuscrits. La tâche n’était pas sans noblesse. Tant de textes, fleurs de la sagesse des hommes, s’étaient perdus  irrémédiablement dans les incendie et les pillages.
Copier et envoyer dans les abbayes sœur ces sauvegardes pour que survive la sagesse des hommes.
Frère Evelin ne connaissait ni le grec ni le latin. Ces textes lui paraissaient d’autant plus précieux qu’il n’en comprenait pas le sens.


Il taillait soigneusement sa plume d’oie, préparait son encre rouge et noire et lentement, méticuleusement, au fil des heures et des jours qui se suivaient, imitait avec tout le soin dont il était capable les mystérieux caractères.

Il aimait le tracé des lettres grecques. Et particulièrement l’alpha et l’oméga qui figuraient, sculptés,    au tympan de l’église.

Lorsqu’un ancien manuscrit était taché, il se faisait violence pour ne pas copier la tache mais finissait toujours, en fin de journée, par laisser tomber au bon endroit un pâté  d’encre, comme une maladresse due à la fatigue. Il pouvait aller se coucher en paix.

Ce qui  était pour lui mystérieux, il le transmettait à d’autres yeux, tel qu’il l’avait trouvé, à l’identique, en passeur de sagesse et de beauté, pour que le monde continue à l’identique pour les siècles des siècles.


DES ESPACES DE LIBERTÉ HEUREUSE

Pour mes peintures dit Évelyne j'aime  les couleurs vives, le dessin net et précis.
Mes loisirs, faire des ballades en pleine nature pour prendre en photo la beauté d’un paysage, la finesse d’une fleur, son éclat particulier que je reproduis ensuite fidèlement sur ma toile.  J’aime visiter la France et ses villages typiques préservés, toujours à la recherche de composer une belle toile.
Peindre pour enchanter la vie
Évelyne a grand souci du détail,  l’image est reproduite de manière exigeante et fidèle. Rien dans le tracé n’est laissé au hasard, une puriste du détail, les tons affirmés, les couleurs éclatantes, l’inspiration variée !
Peindre, c’est créer du « beau » pour éloigner les imperfections du monde, les peurs, les obstacles. Peindre,  un acte sacré qui doit engendrer la certitude de l’existence des choses et des êtres qui obéissent à des règles précises. Tout est mesuré, calculé.
Viser une perfection. Formes et couleurs obéissent à des règles que le peintre doit respecter.

La peinture d’Évelyne, comme  un  rempart à la dureté du réel.


Ses toiles comme des attrapeurs de rêve, des invitations au Voyage.

 Bouquet printanier, Départ lointain, Nature morte, Sous l’arganier, Piano forte.


Dans son " Bouquet printanier ", marguerite, coquelicot, bleuet, l’exubérance écarlate éclate soudain et envahit tout l’espace de la fenêtre par un après midi d’été. 

"Départ lointain"

Partir avec les grands voiliers d’autrefois, traverser les océans et faire gonfler les voiles sous le vent : Recréer un monde disparu. 

 
Avec " Piano forte " : Chanter sur les notes d’un piano géant, et danser la valse de la vie.
Au-delà des pensées, voir, regarder, contempler, se laisser emporter par la musique comme les danseurs que nous sommes sur le piano de la Vie.


"Sous l’arganier", s’évader, partir avec les nomades au désert. Jaune et bleu, couleurs intenses pour dire la force de la chaleur au soleil d’Afrique.
Un arbre et c’est déjà l’oasis, la sieste sous l’arbre.

Il me revient le voyage en caravane au sud marocain en hiver 2008
 
Le texte est extrait de la dernière partie de  « Soleils d’Orient »
voyage au désert, de Marie Pierre Bayle  publié en 2009

Mohamed notre guide, marche en avant.
 « Vous venez au désert pour le silence… ».
Nous les guides sommes habitués, dit-il
« Au début il est bon de se taire,
Les occidentaux viennent là pour trouver le silence».
Le Silence n’existe pas, le désert bruisse.
Partout un Souffle, 
Un souffle – absence -présence

Qui exalte, qui porte à entendre l’inaudible, l’ineffable.
Les ermites, les mystiques ne sont-ils pas allés chercher Dieu au désert.
Un souffle qui parle, une voix en échos à d’autres voix, une ivresse d’espace.
Mais si l’autre s’éloigne,
Le désert  ramène vite l’angoisse de l’anéantissement…

« Donner de l’espace à l’esprit »
Peu à peu, les yeux apprennent à regarder,
A chercher les signes de vie, les traces, les arbustes.
L’action combinée du vent et du feu, de l’air et de la chaleur excessive épuise la terre. Au pied des buissons et des arbustes, le sable s’accumule
En petites dunes qui montent jusqu’à étouffer le vert,
la végétation, le vivant.
La terre s’émiette se craquelle, se poussière,
La mort rôde,
Sous la forme des os blancs de dromadaire.
Le déséquilibre des éléments,
La rareté de l’eau, l’oued à sec depuis longtemps
Marcher dans un espace aussi vaste,
Tellement vaste que l’appréciation des distances  est changée.
Et si la planète  devenait petite comme dans le « Petit Prince » de Saint Exupéry. L’illustration du livre, vous la voyez,…..
La planète qui devient toute petite….
L’allumeur de réverbère, celui qui chaque jour
Remonte les lumières. Le Peintre réalise cette magique 

Marcher avec son ombre
On ne marche pas seul au désert,
On marche avec son ombre.
L’ombre perdue, oubliée, celle de l’enfance, 
Disparue  en ville, trop de monde, trop de bruit.

Pour retourner au camp dans la grande ombre – nuit.
Quand l’homme s’arrête de marcher,
Il dresse une tente, construit une maison,
Puis un village et une ville apparaissent.
L’homme s’immobilise, il habite en immeuble, la civilisation  commence.
La caravane fait naître l’expérience, la science de l’orientation, 
La reconnaissance des points d’eau,
Des ressources, des dépassements,
Pour qui cherche à se perdre.
Pour qui s’est perdu enfin, rêveur de  transhumance,
Eclaireur de la transparence, l’homme vivant sera nomade.  
Nomade en ville, au quotidien !

 « Donner de l’esprit à l’espace »

Le regard porte loin, il évalue l’espace.
Le regard esthétique voit la ligne  des dunes
Semblable aux courbes sensuelles du corps humain.
Toucher le sable, sa chaleur, sa douceur voluptueuse.
Enfoncer la main dans le sable et le laisser couler entre les doigts pour le plaisir.       « Laisser passer, ne rien retenir ».  

« Dieu a crée l’eau pour que l’homme trouve la vie.

     
Il a crée le désert pour que l’homme trouve son âme ».
   
Les religions monothéistes sont nées dans le désert.
Dans nos marches solitaires il me revient des images bibliques.
Celle du « Peuple en marche  de la Bible, l’épuisement des forces des Hébreux qui attendent la Terre Promise. Abraham et sa famille,  ou Moïse  sortant d’Égypte,
Pour  errer avec son peuple élu  dans le désert pendant quarante années,
A la quête de son Dieu et de la Terre Promise. « Au début était le Verbe ».
L’Ancien testament est né au Désert et chaque désert a son puits où aller s’abreuver.

« Par tout l’espace qu’il n’occupe pas, l’homme peut marcher sur la terre immense.»  Tchouang-tseu

 Œuvres peintes : Évelyne PONCHON
Prologue : Jean VALETTE
Texte : Marie-Pierre BAYLE


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