jeudi 7 avril 2016

DIALOGUE

Dialogue entre un tableau de Claude MEYNIER et un texte de Marie-Pierre BAYLE.

Un brouillard à couper au couteau, opaque, gris fumée bleuté intense occupe de manière uniforme tout l’espace du paysage. Du sommet d’une colline invisible, une de ces collines qui surplombent la plaine du Forez, depuis que les volcans anciens ont craché leur lave noircie, depuis que des troupeaux de rhinocéros laineux partagent les pâturages des bords de Loire avec les bisons. L’homme n’est pas là. Pas encore, à moins qu’il n’ait déjà disparu. Le début ou la fin d’un monde. L’histoire ne le dit pas. La puissance animale des instincts à l’état naturel, sans entrave, sauvage, à l’état brut
 

D’abord rien, le brouillard épais, puis sur la toile, à chaque coup de pinceau, la silhouette massive épaisse et magistrale, superbement dessinée d’un bison apparaît la première, suivie en arrière plan par celle plus légère d’une femelle qui reste en retrait, dans l’expectative, sans oser avancer. La scène est fascinante presqu’irréelle. Rien ne bouge, une immobilité fragile pendant laquelle dans l’œil en amande largement ouvert du mâle au premier plan, on peut percevoir le troupeau des bisonnes qui paissent en contrebas dans la plaine. Un instant d’arrêt, une interrogation muette, un long mugissement silencieux, l’appel irrépressible des instincts, la force taurine, la fuite obligée. Il neige maintenant. Les sabots des bêtes foulent une neige épaisse, une lumière traverse le tableau, elle enveloppe d’une écharpe de brume légère le dos de la femelle.
Tout est figé, en place. En attente.
La photo de famille presque parfaite. Monsieur et madame Bison avant leur séparation.

Monsieur n’a pas bougé, seulement détourné la tête. La lumière s’est intensifiée. Elle dore maintenant son poil épais d’une teinte fauve séduisante. La bisonne sait. Avant qu’il ne bouge, qu’il ne s’élance, elle a compris. Dans ses yeux presque humains, dans ses yeux de femelle déjà abandonnée, seulement la crainte et la peur et aussi l’interrogation.
Quoi qu’il en soit : Elle fera face !

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