dimanche 22 mai 2016

UNE HISTOIRE DÉLICATE

Là-haut sur les monts du Forez, le temps fait une pause.
C’est l’hiver. La neige est là depuis trois jours.
Le temps est clair, un peu de  lumière filtre à travers les branches nues des frênes.


« Gumières sous la neige »  aquarelle de Michel Vallorgues.

Plantés au bord du champ trois piquets se parlent à distance,
Etablis de guingois sur leurs barbelés, un peu penchés.
Celui de gauche a de la neige dans les plis de son manteau.
Le second une coiffure à la punk et les pieds gelés, tout glacés.
Quant au troisième un peu timide et plus fragile, il se tient à distance.
Un échange de voisinage s’instaure. 
Pèlerins immobiles, ils conversent au gré des vents.
Il est fortement question de sentiments au premier plan.
Un chant d’amour pour séduire la belle au manteau de neige.
Comment diminuer encore la distance entre elle et lui ?
Le piquet punk ne manque pas d’imagination,
Sur la partition  du regard les crochets des barbelés sont des notes de musique.
Laissons –les à leur romance inachevée.


Michel s’est remis à peindre, à l’aquarelle, il excelle.
Rendre la neige, son domaine de prédilection. Dire le plus avec le moins.
Avant de parler,  Michel met une pause, réserve un temps d’écoute.
Un retrait avant la parole pour que les mots prennent du poids.
Il  se concentre et observe, pose avec minutie quelques taches.
La surface blanche s’anime. La neige vient de tomber sur le blanc du papier.
Avant il n’y avait rien. Maintenant il a neigé.
Effet maximum pour peinture minimum.
Neige, lumière et relief. Des heures d’observation, une passion, une sensibilité!


L’œil s’évade maintenant vers la colline, dans le vallon, des traces,
Des empreintes où la neige a fondu.
Le passage du sauvage dans le pré, dans le creux d’une narse.
La nuit dernière un chevreuil est passé en force, il a bousculé l’équilibre du piquet de droite.
Il reste un peu penché, traumatisé, les fils tout détendus.
Il n’en peut plus, c’est toujours là que les bêtes passent.
Plus loin, le bouquet des frênes en triangle, d’un brun à peine plus clair que les piquets. 
Les trois frênes dépouillés mêlent leurs branches nues,
C’est en hiver, que le dialogue est possible.
Un concerto en ut majeur quand le vent se fâche. 
  

Allegro modérato dans la brise légère.
Blanc du papier et couleurs bois.
Que l’on soit flûte ou bien haut bois. Haut bois foncé ou haut bois clair.
Le vent est immobile. Arrivent à l’oreille des notes boisées,
Une histoire délicate en ocre jaune lumineux. 
Lente méditation,  le temps s’efface et le soir brille. 
 
Marie Pierre Bayle   le 9 Mai 2016

 

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